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La région Bourgogne, terre de vins

Voici pour l’amateur le plus passionnant mais aussi le plus irritant vignoble de France et sans doute du monde. Nulle part ailleurs la mystérieuse alchimie qui se développe entre cépage, terroir, climat et intervention humaine ne s’exprime avec autant de nuances et ne produit de vins plus porteurs d’émotion.

Cette émotion dépasse d’ailleurs largement le cadre de la saveur du produit aussi exceptionnelle soit-elle. Et Dieu sait que les plus grands bourgognes peuvent toucher dans ce domaine au sublime ! Elle prend en charge l’attente inspirée par des noms chargés d’histoire et créateurs de rêve ; elle transforme tout consommateur de bonne volonté en artiste ; elle se nourrit surtout de l’extrême irrégularité de qualité tant reprochée à la région ou à la nature, en fait due qu’au facteur humain !

Un rapide tour d’horizon

Les meilleurs vignerons bourguignons savent aujourd’hui et presque chaque année produire sur les plus prestigieuses comme sur les plus modestes expositions un vin à haute expression. Hélas, ils ne sont pas seuls. D’innombrables combinaisons dues à l’ histoire, à la technique, et surtout à la morale, ont multiplié le nombre de producteurs indignes du patrimoine qu’ils ont en charge. La paresse, l’autosatisfaction, l’appât de l’argent facile, le manque d’ honnêteté même sont ici au moins aussi dangereux que l’inculture ou le manque d’adresse.

Le vignoble de la grande Bourgogne couvre quatre départements de l’Auxerrois aux abords de Lyon et présente une grande variété de vins de tout style et de tout prix. L’histoire et la nature des sols ont ici tellement individualisé de petites productions qu’elles ont conduit le législateur à multiplier les appellations d’origine contrôlée pour préserver ces différences et les faire comprendre au public. Cette multiplication des appellations, loin d’être un obstacle commercial, comme on l’a cru dans les années 1960 et 1970, est de plus en plus perçue comme un signe d’authenticité exigeant de la part du consommateur un apprentissage auquel il se prête d’autant plus volontiers qu’il augmente son plaisir.

Depuis le défrichage des forêts par les romains et les moines, des dizaines de générations de producteurs ont lentement sélectionné les vignes de pinot noir et de chardonnay.

Les deux cépages les plus admirés dans le monde et qui, en particulier pour le premier, ont connu sur ces terres une adaptation parfaite au sol et au climat. Elles ont aussi lentement perfectionné le style des vins par des vinifications appropriées, en barrique pour les blancs, en petites cuves avec pigeage pour les rouges, exaltant ainsi la finesse aromatique incomparable des raisins de ces deux cépages grâce à un contrôle naturel des durées et des températures de fermentation. On a cru qu’on pourrait se passer de ces méthodes contraignantes et, grâce au progrès technique, trouver des solutions plus simples. Leur échec patent a fait revenir à la tradition l’élite de la nouvelle génération locale. Et partout en France (même à Bordeaux), l’empirisme bourguignon sert de base au renouveau de la qualité.

Les meilleurs vins de Bourgogne s’ouvrent un peu plus vite que ceux de Bordeaux, généralement entre cinq et douze ans pour les rouges et entre trois et dix ans pour les blancs. Ils peuvent cependant vieillir admirablement dans les millésimes les mieux équilibrés, conservant pendant trente ans ou plus, et mieux que partout dans le monde, le soyeux de leur texture et la plénitude de leur bouquet sans que le tannin ne les assèche. Certains 1928, 1949 ou 1959 sont encore des merveilles et devraient faire réfléchir quelques prescripteurs d’opinion étrangers et nombre d'amateurs français qui préfèrent les bourgognes dans leur prime jeunesse. Ils sont en effet plus sensibles à l’ expression du cépage qu’à celle du terroir, et c’est un grand danger pour l’avenir de la Bourgogne. Avec le perfectionnement du goût et des techniques, on pourra, partout dans le monde, faire de “ grands ” pinots noirs ou chardonnay en allant jusqu’à l’exagération des qualités variétales afin de flatter des consommateurs sans culture. On ne reproduira jamais de vrais chambertin ou richebourg et même à un niveau moins exalté de vrais maranges ou givry qui demandent évidemment un tout autre niveau de compréhension mais qui seuls assureront à la région la pérennité de son rayonnement.

Les appellations de Bourgogne

Les appellations régionales   

Au premier niveau de la gamme, l’appellation Bourgogne définit des vins simples, produits sur tout le terroir bourguignon (Yonne, Côte-d’Or, Saône-et-Loire et Rhône).

On peut la préciser par un nom de cépage (bourgogne aligoté) ou par un nom de sous-région qui en limite la production (Bourgogne Côte Chalonnaise, Bourgogne Côte d’Auxerre, Bourgogne Hautes-Côtes de Nuits).

Bourgogne Passetoutgrain (mélange de pinot noir et de gamay) et Bourgogne grand ordinaire (vin issu de terroirs en principe inférieurs) constituent deux survivances appelées à disparaître.

Les appellations communales           

Les meilleures communes ont droit à leur propre appellation ou à une appellation regroupant quelques communes voisines. Le nom d’une vigne particulière, délimitée avec précision, peut leur être ajoutée, les meilleures d’entre elles pouvant être classées premier cru : par exemple, Pommard, Pommard la Vache, Pommard Rugiens.

Les grands crus          

Les meilleures vignes de Bourgogne sont classées grand cru et ont droit à une appellation propre, dans laquelle ne figure plus le nom de leur commune : par exemple, Bonnes-Mares ou Richebourg. Hélas ! Et cela crée une confusion regrettable, plusieurs communes ont obtenu le droit de faire suivre leur nom de celui du grand cru le plus célèbre de leur finage comme Chambolle-Musigny. On distingue les vins d’appellation communale du grand cru parce que les premiers portent le nom intégral de la commune.

Les vins de l’Yonne     

On est ici à la limite nord de la maturité des raisins rouges et, hormis quelques cuvées du secteur d’Irancy, les rouges manquent de robe et de corps. En revanche, les blancs sont célèbres pour leur finesse et leur nervosité et trouvent leur épanouissement dans les meilleurs terroirs de Chablis. Les aléas du vignoble faussent la hiérarchie à quatre niveaux des chablis, qui apparaît moins nette que par le passé.Des cuvées de village de vieilles vignes peuvent surclasser des grands crus délavés ou mal faits.

Dans tous les cas, les meilleurs chablis ne se révèlent vraiment qu’après cinq ans de garde et peuvent éblouir pour leur 20 ans.

Les vins de la Côte-d’Or

On est ici au cœur historique du vignoble. De Dijon à Chagny, se multiplient les villages capables d’élaborer vins rouges et vins blancs d’une noblesse aromatique sans égale en France.Et ce, même si la discipline nécessaire pour les produire n’est pas encore assez répandue. Les vins rouges de la côte de Nuits, particulièrement ceux de Gevrey-Chambertin et de Nuits-Saint-Georges, ont tendance à être plus robustes que ceux de la côte de Beaune, voire un peu violents dans leur jeunesse. Chambolle-Musigny et Vosne-Romanée, dont les vins sont plus fins, possèdent toutefois un supplément de chair et de moelleux. En côte de Beaune, le grand cru Corton et les meilleurs pommards donnent en principe les vins les plus corsés ; Savigny, Beaune et Volnay les vins les plus tendres. Dans les deux côtes, des villages méconnus à deux pas d’autres trop célèbres livrent parfois des trésors à l’amateur curieux à des prix fort raisonnables. On y trouve aussi des vins médiocres.

La hiérarchie des prix est large, et les grands crus très coûteux font oublier les nombreuses cuvées tout à fait accessibles qui donnent déjà de grandes satisfactions à ceux qui savent choisir les bons producteurs. Suivez donc notre classement…

Ce qu’on ne changera jamais en revanche, c’est l’irrégularité des millésimes : rien ne peut remplacer l’absence de soleil une ou deux fois tous les dix ans.

Les vins de Saône-et-Loire

Secteur vaste et divers, la côte chalonnaise produit des vins blancs et rouges fort agréables, un peu moins complexes qu’en Côte-d’Or mais à des prix raisonnables. Le Mâconnais se spécialise, à la limite du Beaujolais, dans des vins blancs somptueux encore trop méconnus.

Les vins du Rhône

Le nord du département voit le début du règne du gamay, et de la plus brillante façon puisque s’échelonnent ici les crus les plus corsés, Saint-Amour, Juliénas, Moulin à vent, Chénas qui peuvent se vendre et se déclasser en appellation générique bourgogne. Aussi ne peut-on que leur adjoindre les appellations plus simples de Beaujolais et Beaujolais-villages.

Les vins produits par les crus sont riches en alcool naturel et d’un fruité immédiat. Il faut les boire assez frais.

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Grand vin de Bourgogne

Indication fantaisiste sans contrôle et sans signification, souvent mensongère car utilisée pour vendre des vins de qualité secondaire.

Monopole      

Vignoble ou appellation n’appartenant qu’à un seul producteur. Un phénomène plutôt rare dans une région marquée par un extrême morcellement.

Clos

Vignoble entouré de murs, ce qui ne lui confère en principe aucune supériorité de qualité sur les autres, mais soumet la mention à un contrôle (pas toujours) sévère de la part de la répression des fraudes.

Mise en bouteille au domaine, mise en bouteille à la propriété

Seules, ces deux expressions indiquent que le vin a été mis en bouteille sur le lieu même de l’exploitation viticole qui le produit et le vend. On détourne souvent abusivement cette garantie d’origine (mais pas de qualité) par des indications fantaisistes comme mise en bouteille dans nos caves, par nos soins, par le propriétaire, etc. Un négociant peut indiquer le domaine auquel il a acheté le vin, mais il n’y a aucune honte à assumer la paternité de la vinification ou de l’élevage.