Ce millésime est singulier, de par sa genèse, son contexte et le travail fourni jusque dans les chais. 2023 promet d'être excellent, avec des vins de grande qualité et des prix plus avantageux.
Traditionnellement, à chaque début du Printemps, la Place de Bordeaux retient son souffle lors de la Semaine des Primeurs… c'est le moment de la dégustation de nouveau millésime par les experts du monde entier. Connaisseurs et collectionneurs guettent la date de l’évènement qui permettra de définir le prix des futures bouteilles. Officiellement, la Semaine des Primeurs se tiendra du 22 au 25 avril 2024, avec des dégustations des appellations dans six différents châteaux bordelais. Les vins primeurs des Graves, Sauternes, Barsac et Pessac-Léognan seront notés au Château Carbonnieux ; les Saint-Emilion seront évalués au Château Soutard ; les Margaux et ceux du Sud du Haut-Médoc le seront au Château La Lagune ; pour les Pomerols, elles se dérouleront au Château Le Gay ; les Saint-Julien, Listrac et Moulis seront dégustés au Château Branaire-Ducru ; quant aux appellations Pauillac, SaintEstèphe, Haut-Médoc Nord et Médoc, les experts feront le déplacement au Château Lynch-Moussas.
La mise sur le marché des vins en primeurs se fait petit à petit. Les prix attribués en fonction des notations seront dévoilés au compte-goutte par les châteaux et commencent deux à trois semaines après la Semaine des Primeurs. Les annonces des prix se font donc à partir de mi-mai et sur une période de trois à quatre semaines. Vinatis reste attentif à ces annonces et les actualise sur https://www.vinatis.com/primeurs/.
La météo a permis des conditions particulièrement favorables lors du cycle de la vigne épargnée par le gel, avec une floraison homogène pour permettre des quantités généreuses. Avec un calendrier dans les vignes assez classique, les vendanges se sont étirées sereinement sur 8 semaines autant pour les rouges, que pour les blancs. Les derniers coups de sécateur pour les Sauternes se sont déroulés sans stress pour les viticulteurs qui ont pu récolter Muscadelle, Sauvignons et Sémillon au fur et à mesure que le botrytis cinerea faisait son œuvre… sans hâte.
2023 est une année de mildiou dû à un Printemps humide, suite aux fortes pluies du mois de juin. Tout vigneron redoute cette maladie causée par ces champignons pouvant sévir plus ou moins selon les parcelles en fonction de la topographie du terroir. Tous les domaines et châteaux n’ont pas été égaux face aux ravages du mildiou pour ce millésime. L’Entre-DeuxMer est là où le mildiou a le plus frappé alors que le Médoc et le Libournais ont eu beaucoup de raisin. Le mildiou peut en effet influencer le rendement mais aussi la qualité du raisin. Toutefois, les chaleurs du mois de septembre ont pu favoriser la bonne maturité des raisins et le déroulement des vendanges dans d'excellentes conditions. Malgré le mildiou, les grappes se sont développées grâce à un mois de juillet sec, mais non caniculaire. Pour les vignerons, le tri a été une étape clé lors des vendanges et à l'arrivée au chai : les grappes doivent être séparées pour ne pas entrer dans les cuves ni se mélanger avec grappes saines. La qualité des vins de ce millésime dépend donc du savoir-faire des équipes ayant vendangé dans chaque domaine. Les rendements de ce millésime sont donc hétérogènes en fonction du terroir mais aussi des domaines.
Cette année encore, la récolte s’inscrit dans la tendance du réchauffement climatique. L’inquiétude des vignerons porte certes sur la virulence du mildiou dû aux conditions printanières plus chaudes et tout aussi humides que par le passé, mais aussi sur la difficulté à réaliser des vins sans trop d’alcool dû au fort taux de sucre présent dans les raisins. De plus, le réchauffement climatique implique un cycle de la vigne plus précoce qu’au cours des dernières décennies et crée de nouveaux stress pour les ceps, tels que la sécheresse ou encore la canicule. Contrairement aux millésimes précédents marqués par la sécheresse, 2023 ne donnera pas des vins solaires marqués par un degré d'alcool excessif, ce qui fait un millésime singulier. Après un épisode de pluies marqué au Printemps, l’été a été chaud et ensoleillé parsemé de quelques pluies salutaires relançant la maturité des raisins et gonflant les grains sans les faire souffrir de la sécheresse ni de la chaleur. Fin septembre, c'est l'enthousiasme qui prévaut après un mois exceptionnellement beau et chaud pour parvenir à véraison. La qualité des raisins est au rendez-vous et les futurs vins du millésime 2023 se démarqueront des autres récoltes en préservant une belle acidité dans le verre et une belle expression aromatique. Des atouts dignes des grands millésimes.
Les premiers jus recueillis révèlent des vins prometteurs : de la couleur, des tannins et de la fraîcheur. Il y a une acidité certaine dans le millésime 2023 où le degré d'alcool est en baisse par rapport aux années précédentes qui ont subi la canicule. La qualité des baies est au rendez-vous et les dégustations rapprochées dans les cuves ont permis aux vignerons et œnologues de faire des choix précis : Les rouges montrent une superbe richesse en polyphénol, donc en tannins, ce qui concourt inévitablement à réaliser un grand millésime. Les Merlots ont montré une bonne résistance aux températures intenses, ce qui laisse présager des vins rouges veloutés et aromatiques. Pour les Cabernet-Francs l’équilibre est lui aussi magnifique pour permettre l’élaboration de Grands Crus autant portés sur la fraîcheur que sur le fruit. À ce titre, les Pomerols s’annoncent très prometteurs. On peut s’attendre à des blancs secs de très belle facture et à prix plus doux : le Sauvignon a atteint un rendement plutôt exceptionnel pour les Bordeaux, Graves et Pessac-Léognan avec une quantité d’acide malique supérieure aux jus des années précédentes et qui apporte beaucoup de fraîcheur. Les liquoreux ont profité d’un développement lent dans les vignes et la météo a permis de récolter sereinement des grappes parfaitement botritysées. La pourriture noble est arrivée assez tôt sur les grappes et par chance, les cépages sont moins sensibles au mildiou ce qui n’a pas affecté les rendements. Pour une fois, les volumes attendus s’annoncent satisfaisants et la qualité des jus est sans crainte. 2023 pourrait figurer parmi les grands de cette décennie, voire du siècle. Pour les rouges, comme pour les blancs, 2023 est un millésime qui présente déjà une belle structure et de la fraîcheur dans les vins. Les vins s'annoncent mûrs en bouche et équilibrés. Des qualités intrinsèques qui s'affineront dans le temps et qui permettront sans nul doute à ces vins de garde de traverser quelques décennies.
Le vignoble du Bordelais traverse une crise : surproduction, habitudes de consommation du vin rouge en baisse, maladies de la vigne… les ventes se sont effondrées cette dernière décennie même si la sphère des Grands Crus reste quelque peu épargnée sur le marché du vin, vu la rareté des bouteilles et la demande grandissante. Dans ce contexte, les viticulteurs bordelais ont sollicité un plan d’aide auprès du Ministère de l’Agriculture qui a proposé un dispositif approuvé en juin par la Commission européenne : une prime à l’arrachage dans le but de lutter contre la flavescence dorée et la surproduction. Grâce aux chiffres des vignerons ayant postulé à l'arrachage des vignes, on sait que déjà 8 à 10% du vignoble bordelais vont être arrachés dès les débuts de la campagne. Si ce contexte vise à réduire une production excédentaire, on peut penser que les rendements des années à venir vont aussi être impactés, ce qui fait du millésime 2023 un millésime historique.
Le millésime 2023 révèle ses premières facettes à Bordeaux et mérite sa place en cave. C'est un millésime réjouissant, plutôt classique et avec des prix dont les tendances sont à la baisse. Marqué par une hétérogénéité pour les rouges, mais une homogénéité exceptionnellement notoire pour les blancs secs et les liquoreux, vous pouvez miser sur des réussites remarques comme les Pomerols, les blancs de Pessac-Léognans et les Sauternes. Impossible de les évaluer tous château par château avec certitude à ce stade, mais voici les avis des experts suite à la dégustation de la Semaine des Primeurs :
Dans l’ensemble c’est un très bon millésime qui pourra se boire sans attendre. Les vignerons ont recherché l’expression du fruit sans basculer dans la surmaturité. Ces bordeaux rouges sont des vins qui s'inscrivent dans la garde mais que l’on pourra déjà boire sans attendre. Les Pomerols sont spectaculaires malgré leur hétérogénéité et tirent leur épingle du jeu avec leur délicatesse : ils se montrent sapides, profonds et puissants. Les niveaux d'acidité soulignent la fraîcheur et la finesse des tannins. Dans une époque de plafonds de verre, les Pomerols ont largement évité les horribles pertes de vignobles connues dans certaines parties de Saint-Émilion où le mildiou est devenu presque aussi endémique que dans l'Entre-Deux-Mers. Et cela suffit bien sûr à expliquer les rendements globaux plutôt supérieurs à Pomerol qu'à Saint Émilion. Les Saint-Emilions se montrent tendres. Les Médocs restent dans un relatif classicisme et équilibrés avec un profil très juteux. Les Saint-Juliens et Pauillacs sont peut-être les plus homogènes, là où en revanche, les Pessac-Léognans ont eu un millésime plus compliqué. Ce sont les plus hétérogènes en qualité et dans le style des vins : seuls les vins texturés avec beaucoup de tannins pourront très bien vieillir, car ils peuvent exprimer un côté austère, à cause de l'absence de gras qui accompagnait les millésimes précédents. Curiosité, l’Entre Deux Mers dévoile en primeur ses premiers vins rouges : beaux tannins, belle fraîcheur mais des styles différents qui ne permet pas de transposer la notoriété des vins blancs en rouge. Voilà qui laisse entrevoir des pépites d'une part et d'autre de la rive.
Constat implacable : les vins blancs sont au sommet à Pessac Léognan. Contrairement aux rouges de l’appellation, les baies des Pessac-Léognans blancs ont été vendangées plus tôt et se montrent plus homogènes avec une acidité bien présente. Les réussites sont diverses pour ce millésime, même en Second Vin. Ne boudez pas les petites étiquettes !
Les Sauternes sont les joyaux de ce millésime quantitativement et qualitativement. Richesse et acidité sont au rendez-vous pour donner un ensemble remarquable d'homogénéité, là où les autres appellations ont pu pâtir de l'hétérogénéité du millésime. Les acidités sont supérieures au millésime 2022. Les vins ont une netteté aromatique exceptionnelle. La palette aromatique est soutenue par une fraîcheur peu commune pour l’appellation. C'est une année grandiose pour l'appellation et Barsac se situe dans la continuité de la réussite. Voilà la promesse d'un plaisir intense de dégustation et grand potentiel de garde.
Les premières sorties dessinent une tendance, les prix baissent significativement. La qualité du millésime n'est pas en cause, même s'il est plus hétérogène que ses prédécesseurs. Ces prix témoignant d’une volonté de soutenir la mise en marché à l’international avec des montants qui affichent jusqu'à -40% par rapport aux prix pratiqués l'année dernière et entre 15 et 30 % en moyenne. Les acheteurs peuvent profiter de tarifs plus avantageux que les années précédentes. Pour ce millésime historique, c'est l'année ou jamais ! Places aux bonnes affaires !
L'ABUS D'ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION
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